Résumé

Si l’offre pédagogique traditionnelle de l’université est adaptée à certains de nos étudiants, pour d’autres elle s’avère inadéquate à leurs attentes et leurs capacités. Organisée sur le schéma « un enseignant face à plusieurs apprenants », l’offre pédagogique universitaire n’a pas la possibilité structurelle de tenir compte des variations individuelles de modes et de capacités d’apprentissage. De plus, le nombre d’étudiants est en constante augmentation, accentuant l’hétérogénéité de nos publics. Enfin, le système d’enseignement présentiel exclut ou complique l’accès à la formation des personnes empêchées pour des raisons personnelles ou professionnelles tandis que l’on assiste à une demande croissante de formation tout au long de la vie. Aussi, pour répondre à ces besoins sans diminuer l’exigence d’apprentissage, nous devons développer des approches pédagogiques enrichissant le présentiel et facilitant les formations à distance ou hybrides.

L’objectif de ces travaux fut donc, à objectif d’apprentissage constant, d’évaluer l’impact d’une approche pédagogique inversée et enrichie par le numérique sur les performances et le ressenti des étudiants en première année de l’université Paris-Saclay dans un module de biochimie (niveau L1).

Alors que le groupe contrôle (352 étudiants sur 400) suivait un enseignement classique, les étudiants du groupe expérimental (48 étudiants sur 400) virent leur enseignement présentiel diminuer de 25%. En contrepartie, ils devaient avant chaque séance présentielle, suivre les activités pédagogiques correspondantes sur une plateforme numérique. Les séances commençaient par un test et une discussion afin d’identifier collectivement les points ayant posé des difficultés. Dans la suite de la séance l’enseignant et les apprenants reprenaient uniquement les points qui avaient posé des difficultés en les illustrant notamment par la résolution d’exercices d’application.

L’évaluation quantitative de cet enseignement sur les apprentissages s’est effectuée en comparant les deux groupes grâce à : i) un QCM effectué avant, juste après et un mois après les enseignements ; ii) deux examens sur table ; iii) l’étude des résultats des étudiants dans les autres matières au même semestre. L’évaluation qualitative (16 questions portant sur leurs pratiques, les supports et la stratégie pédagogique) a été réalisée par un questionnaire.

Alors que les deux populations ne présentaient aucune différence ni sur leur test de positionnement ni sur leurs résultats dans les autres disciplines se déroulant en parallèle, les examens sur table ainsi que les tests à court et long termes après les enseignements ont montré une amélioration très significative des performances des étudiants du groupe expérimental, environ deux points supplémentaires sur vingt dans la discipline. L’évaluation qualitative mettait en évidence un enthousiasme certain d’avoir participé à cette expérience (98% de satisfaction). Cependant seuls 85% désiraient voir s’étendre cette pratique à d’autres disciplines, du fait du temps nécessaire à investir pour cette méthode.

Ainsi cette première expérimentation démontre qu’un enseignement inversé et enrichi par le numérique améliore substantiellement à la fois les performances et le ressenti des apprenants à objectif d’apprentissage constant.  Cependant l’augmentation des coûts récurrents pour l’université (+15% d’heures équivalent TD) ainsi que de l’investissement des étudiants suggèrent de cibler ces pratiques sur les disciplines posant le plus de difficultés.