L’art du feedback
Par Stéfania de Vito, docteur en neurosciences
- Le feedback se compose de différentes étapes : (1) identification des qualités positives du travail de l’étudiant ; (2) analyse critique des erreurs ; et (3) présentation de commentaires détaillés et constructifs, qui expliquent spécifiquement comment s’améliorer.
- L’effet du feedback est plus puissant quand le feedback n’est pas donné immédiatement après le test, mais après quelques jours.
Quel(s) feedback(s) ?
Kluger et DeNisi (1996) ont réalisé une méta-analyse sur 131 articles (l’échantillon était constitué de 12 652 participants) portant sur l’effet du feedback dans les écoles, les universités et les lieux de travail. Les auteurs ont constaté que dans 38% des cas, le feedback était contre-productif, c’est-à-dire qu’il produit l’effet inverse de l’effet attendu.
62% des études ont montré un effet positif du feedback. Une analyse supplémentaire a révélé que l’effet positif augmente lors que les commentaires adressent uniquement la tâche[1] et identifient comment l’étudiant peut concrètement s’améliorer. Ce type de feedback que nous appelons ici « retour sur erreur » est considéré le dixième facteur (sur 150) qui contribue à améliorer l’apprentissage (Hattie, 2009).
Les feedbacks contre-productifs
Le feedback est susceptible d’être contre-productif. Ce fait est connu depuis longtemps et depuis longtemps a été largement ignoré. Paul Black et Dylan Wiliam (1998) mettent en évidence plusieurs facteurs qui peuvent contribuer à rendre un retour sur erreur inutile, sinon désastreux :
- La note. La note ne doit pas être considérée une fin en soi, l’objectif ultime. Il ne faut pas mettre l’accent sur la note, mais plutôt sur le processus d’apprentissage, sur ce que l’étudiant peut faire pour l’améliorer. La note n’est pas un point d’arrivée mais plutôt un point de départ. Elle est une sorte de boussole qui oriente l’étudiant et lui indique la direction future à suivre. Si l’étudiant a bien travaillé, la note lui sert à comprendre que la méthode utilisée est efficace ; si l’étudiant n’a pas bien travaillé, la note lui sert à comprendre qu’il faut modifier complètement ou partiellement sa méthode de travail. Il faut aider l’étudiant à considérer la note dans cette optique dynamique (un passé qui peut être réparé), et pas comme une honte ;
- La compétition. La tendance à mettre l’accent sur la compétition parmi les étudiants, plutôt que sur l’amélioration personnelle peut orienter l’étudiant vers un but de performance (être le meilleur) au détriment d’un but d’apprentissage (maitriser la discipline) et empêcher l’interaction constructive entre les étudiants. Les étudiants doivent se considérer une ressource l’un pour l’autre et non comme un obstacle,.
- Le manque de discussion. Si, après l’examen ou le devoir, il n’y a pas de discussion sur les questions et les réponses, les étudiants n’ont pas la possibilité de réfléchir sur les notions qui ont été évaluées. Les étudiants ne disposent pas des informations pertinentes qui leur permettront de progresser.
Le retour sur erreur, un feedback constructif
Wiliam (2011) distingue trois étapes du retour sur erreur. (1) Avec le monitoring l’enseignant identifie les éléments positifs du travail mais aussi les problèmes (ce que l’étudiant n’a pas réussi), (2) l’analyse diagnostique examine les problèmes (pourquoi l’étudiant n’a pas réussi) et (3) le feedback formatif explique comme l’étudiant peut résoudre les problèmes (voir la figure ci-dessous). En fournissant un retour sur erreur partiel, on risque d’avoir un feedback incomplet, pas forcément efficace et potentiellement contre-productif.
Le concept de feedback formatif a été introduit dans les années 60 par Michael Scriven. L’idée est de ne pas uniquement mesurer les acquis de l’étudiant en fin d’année (ce qu’on appelle évaluation “sommative”), mais durant tout le processus d’apprentissage. Le but est double. D’un côté, l’enseignant enrichit l’information dont l’étudiant dispose pour se corriger et de l’autre côté, il/elle encourage l’étudiant à se projeter dans le futur plutôt que dans le passé. Cela signifie que l’étudiant ne se fixe pas sur le feedback per se. Le feedback devient un passé qui peut être amélioré. En fait, l’étudiant voit le feedback comme une piste d’amélioration, un moyen pour mieux s’acheminer dans le futur. Avec un jeu des mots, on pourrait dire que le feedback formatif est informatif. Ce feedback invite l’étudiant à réfléchir sur sa pratique et l’incite à devenir plus autonome et engagé. Il faut toujours garder à l’esprit que donner un feedback ne signifie pas juger, mais plutôt corriger les erreurs. À ce propos, Popham (1998) parle de “réparer au lieu de virer” (“Fixing vs firing”).
Le retour sur erreur permet de renforcer toutes les réponses correctes des étudiants, même celles données avec incertitude. Dans cette perspective, il est très important de commencer la phase de monitoring en soulignant les réponses correctes et les aspects positifs du travail des étudiants.
Pour que les retours soient encore plus efficaces, Butler et collègues (2007) suggèrent de ne pas donner le feedback immédiatement après le test, mais plutôt avec un intervalle de 2-3 jours. Cette présentation différée permet de revoir les notions et conduit à une meilleure mémorisation en long terme.
Les caractéristiques d’un feedback productif
Robert Coe, directeur du Centre d’évaluation et de suivi (CEM) de l’Université de Durham, qui fournit des systèmes d’évaluation et de monitorage à milliers d’écoles du Royaume-Uni, décrit en 2014 les caractéristiques d’un feedback efficace. Il recommande aux enseignants de concentrer leur attention sur l’apprentissage (pas sur la personne ni sur la comparaison avec les autres) et sur l’amélioration des résultats. Le feedback doit adresser les objectifs de l’étudiant de façon neutre, explicite, spécifique et stimulante.
En conclusion, un feedback productif devrait être orienté par les buts et l’action, compréhensible par l’étudiant, clair, formatif, cohérent dans le temps et donné au bon moment (Wiggins 2012 cité par Philippe Dessus 2015).
Bibliographie
Black, P., & Wiliam, D. (1998). Assessment and classroom learning. Assessment in Education: principles, policy & practice, 5(1), 7-74.
Butler, A. C., Karpicke, J. D., & Roediger III, H. L. (2007). The effect of type and timing of feedback on learning from multiple-choice tests. Journal of Experimental Psychology: Applied, 13(4), 273.
Coe, R., Aloisi, C., Higgins, S., & Major, L. E. (2014). What makes great teaching. Review of the underpinning research, 1-57.
Dessus, Philippe. (2015). Les rétroactions : définition et rôles dans les apprentissages. Consulté à l’adresse http://espe-rtd-reflexpro.u-ga.fr/docs/scied-cours-qcm/fr/latest/retro_defs.html
Hattie, J. (2009) Visible Learning: A Synthesis of Over 800 Meta-Analyses Relating to Achievement. Abingdon, UK: Routledge.
Kluger, A. N., & DeNisi, A. (1996). The effects of feedback interventions on performance: a historical review, a meta-analysis, and a preliminary feedback intervention theory. Psychological Bulletin, 119(2), 254-284.
Pashler, H., Cepeda, N. J., Wixted, J. T., & Rohrer, D. (2005). When does feedback facilitate learning of words?. Journal of Experimental Psychology: Learning, Memory, and Cognition, 31(1), 3.
Pennac, D. https://www.lemonde.fr/culture/article/2017/02/12/daniel-pennac-j-ai-ete-d-abord-et-avant-tout-professeur_5078432_3246.html
Popham, W.J. (1998). The dysfunctional marriage of formative and summative teacher evaluation. Journal of Personnel Evaluation in Education, 1: 269-273.
Wiggins, G. (2012). Seven keys to effective feedback. Educational Leadership, 70(1), pp. 10–16.
Wiliam, D. (2011). What is assessment for learning?. Studies in educational evaluation, 37(1), 3-14.
[1] Une tâche est un travail demandé à l’étudiant afin d’apprendre une notion. Par exemple, pour apprendre la notion d’énergie, l’étudiant dispose d’un cours en amphi et d’une séance de TD. Les tâches proposées sont : suivi du cours d’amphi, appropriation du cours, réalisation d’exercices.