Résumé

Remarques libres : pourquoi ? Comment ?

Lors de l’évaluation des enseignements, interpréter et exploiter les tableaux de résultats et les remarques libres des étudiants peut être complexe : des émotions parfois fortes s’y associent si l’enseignant lui-même les analyse. Il est juge et partie, enquêteur et suspect, voire victime et bourreau à la fois. Malheureusement il est difficile de les confier exclusivement à un lecteur extérieur, à qui manque une connaissance fine du contexte…

Impossible de s’en passer cependant : si solliciter l’avis des étudiants par des questions fermées permet d’établir un bilan, les remarques libres permettent de dégager des pistes d’amélioration  et si on le souhaite, amorcent un dialogue. Il est illusoire de croire deviner ce que pensent nos étudiants : l’hétérogénéité sociale des publics, des parcours, des formations intellectuelles et affectives dans un contexte transformé par internet et les réseaux sociaux  rendent nécessaire de les impliquer dans l’ingénierie pédagogique, et de commencer donc par leur demander leur avis.

Demander des suggestions d’amélioration permet de co-construire avec les étudiants et de les engager dans le processus d’apprentissage. Si l’enseignant suit les conseils des étudiants, ceux-ci partageront avec lui la réussite du cours et seront plus motivés pour apprendre et fournir des efforts.

Une précaution préalable peut être de cadrer sa posture : ce n’est pas l’individu qui est concerné, mais ses méthodes professionnelles, ce qui tient la personne à une distance de sécurité, et lui laisse un contrôle de la situation. Ainsi pratiquer l’EEE s’intègre dans le développement professionnel (Berthiaume, Colet, 2013)

Un angle complémentaire est de cibler l’amélioration des apprentissages, à caler sur les publics, plutôt que de se prendre en défaut.

 

De quelles remarques libres parle-t-on ? Quel biais faut-il corriger alors ? Suggestions d’invites.

– Remarques générales, non corrélées à une thématique précise. Ex en fin de questionnaire « avez-vous des observations ? » A noter que les questions précédentes peuvent évidemment orienter la réflexion… Telle observation apparemment spontanée est en réalité amenée par le contexte et s’interprète alors en fonction de celui-ci.

Statistiquement on retrouve souvent ce qui correspond à la représentation d’un « bon cours » , et/ou ce qui a inspiré le questionnaire: thématiques de contenus (thèmes, dosage de connaissances nouvelles à absorber, exemples et illustration, mise à jour des données), organisation (clarté des objectifs, structuration des connaissances à assimiler, progressivité), animation  (relationnel avec l’enseignant, climat de classe, disponibilité, communication) supports visuels et de travail, évaluation des apprentissages.

– Espace de rédaction qui s’ouvre pour préciser la réponse à une question fermée. A noter que l’on choisit souvent de conditionner leur apparition à un désaccord ou une critique. L’inconvénient est alors que toutes les remarques libres expriment des jugements négatifs et finissent par créer un sentiment de dépréciation globale qui peut décourager l’enseignant. D’autre part, il est précieux de savoir ce qu’il faut garder ou développer, tout autant que ce qu’il faut supprimer ou reprendre.

On gardera à l’esprit que les remarques sont souvent plus acerbes dans les matières optionnelles, transversales ou éloignées du cœur de formation.

Si les questionnaires sont remplis en groupe, certaines remarques se diffusent par capillarité – faussant la spontanéité individuelle.

– Invites intéressantes :

  • Qu’est-ce qui a favorisé vos apprentissages dans le cours / les TD / les TP ?
  • Qu’est-ce qui vous aiderait à apprendre plus efficacement ?
  • Que faut-il arrêter ? Continuer ? Démarrer ?
  • Quelle(s) question(s) aimeriez-vous ajouter à l’enquête ? Que répondriez-vous ?

 

Traitement des remarques libres

Voir notamment Lanarès et Berthiaume (2013), et McKeachie, W., & Svinicki, M. (2013)

  • Faire le point sur ses objectifs de départ et ses priorités (inutile de déplorer un mauvais score sur un élément que l’on n’a pas travaillé à améliorer) et replacer dans le contexte des ressources dont l’on dispose.
  • Regrouper les observations des étudiants par rubriques, et formuler des hypothèses relatives aux besoins des étudiants,
    1. en fonction de leurs remarques
    2. en fonction des données contextuelles qui semblent éclairantes, et si possible en croisant les éléments pour dégager des tendances (parcours antérieurs, résultats académiques, profils d’apprentissage par exemple)
  • Si possible en discuter avec les étudiants pour vérifier et/ou compléter les hypothèses (et donc placer l’EEE avant la fin des enseignements)
  • Puis faire le point sur ce qui a été déjà mis en place et concevoir de nouvelles actions en fonction des besoins exprimés, ainsi que des ressources disponibles, humaines comme matérielles.
  • Tester les hypothèses en mettant en œuvre les nouvelles actions, sans oublier de prévenir les étudiants des nouveautés liées aux EEE, ce qui peut les questionner en retour et de toute manière les impliquer.
  • Enfin ne pas oublier de prévoir une question dans les EEE suivantes pour effectuer un bilan, à compléter par exemple par d’autres éléments tels que par exemple une évolution des résultats académiques, une hausse de la motivation (des étudiants – ou de l’enseignant)

 

Bibliographie

Berthiaume, D. (2013). La pédagogie de l’enseignement supérieur: repères théoriques et applications pratiques. N. R. Colet (Ed.). Peter Lang. Tome 2 « Se développer au titre d’enseignant ».

McKeachie, W., & Svinicki, M. (2013). McKeachie’s teaching tips. Cengage Learning.

 

Rédigé par Véronique Depoutot – veronique.depoutot@u-psud.fr

Chargée de mission à la Direction de l’Innovation Pédagogique, Université Paris-Sud