(Réflexions issues d’un atelier, voir en fin de billet)
Avez-vous remarqué comment les étudiants refusent d’apprendre par cœur, maintenant ? On leur a tellement seriné que c’était apprendre « bêtement » qu’ils s’offensent si on le leur suggère ou bien les en soupçonne…
Et quel est l’exemple favori des détracteurs de l’apprentissage « bête » ? Les verbes irréguliers anglais….
En tant que présidente du CIDVI [1], section européenne, je tiens à rappeler certains éléments :
– apprendre, ce n’est jamais bête. (En tout cas, je trouve) Même si c’est juste pour un examen, ce bachotage aura au moins assuré une bonne note et ses effets associés. Et pensons à « une souris verte », rimes sans raison et autre nonsense avec leur potentiel poétique, leur disruption du réel ou des repères habituels : est-il si bête de les mémoriser même si on n’y comprend goutte?
– apprendre du vocabulaire par cœur, formes des verbes irréguliers y compris, c’est avec l’objectif de s’en servir pour communiquer. Apprendre pour communiquer, est-ce que c’est irréfléchi ? Irraisonné ? Bête ? Si on pratique des méthodes mécaniques, si on utilise l’effet testing des QCM (TRICOT), c’est lié aux mécanismes de la mémorisation, pas plus bêtes que ceux de la digestion ou de la marche.
Cette hyper-sensibilité n’a rien à avoir avec la matière que j’enseigne, bien entendu – l’anglais, incidemment – mais quand un étudiant me dit « pas besoin d’apprendre, madame, je sais où retrouver ce dont j’ai besoin ! » je me demande comment il espère converser avec son dictionnaire en ligne et ses fiches de grammaire.
Il serait peut-être plus intéressant de distinguer entre apprentissage « de surface » versus « apprentissage en profondeur ».
Apprendre en surface, c’est mémoriser des textes ou des formules pour les restituer et non pour les mobiliser, par exemple, le code d’un cadenas. Les informations emmagasinées ne sont pas utilisables en dehors d’un usage simple et univoque, déjà connu. Elles ne sont pas transposables. C’est le cours que l’on reproduit in extenso sans en traiter les contenus, la version humaine du copié-collé numérique.
L’apprentissage en profondeur produit des connaissances que l’on intègre à nous-mêmes, qui prennent un sens pour soi ainsi que pour le collectif. Elles touchent à l’identité parce qu’elles nous transforment (TARDIF). Ces connaissances peuvent se relier à d’autres savoirs, se situer, se contextualiser et se transposer – contribuer à construire des compétences.
Pour aller plus loin , un article du Service de Soutien à la Formation de l’Université de Sherbrooke.
Ajoutons encore que c’est souvent nous-mêmes, les enseignants, qui créons les conditions d’un apprentissage de surface ou en profondeur en fonction de l’évaluation des apprentissages que nous organisons…
[1] Comité International de Défense des Verbes Irréguliers, siège social Paris.